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« Le français et l’orthographe, divinités des sots » (*)

Soumis par Brigitte Hofmann le 20 mai 2022
(pixabay)

L’échec de 100% à la HEP-BEJUNE lors de l’épreuve de rattrapage d’orthographe a fait couler beaucoup d’encre. À qui la faute : aux étudiant.es de cette volée trop peu « studieuse »*1 ? Aux cours préparatoires de la HEP-BEJUNE pas assez en phase avec le contenu de l’épreuve ? À un examen trop difficile ? Quoi qu’il en soit, le score est inquiétant. Surtout pour l’avenir du métier.

Ce n’est pas une bonne nouvelle pour celles et ceux qui s’inquiètent d’une pénurie d’enseignant.es, avouée du bout des lèvres dans notre canton, mais cependant ressentie comme bien réelle sur le terrain neuchâtelois. Plusieurs futur.es collègues ont ainsi dû abandonner leurs rêves pour se diriger vers une autre carrière et manqueront à l’appel pour remplacer les nombreux futur.es retraité.es de ces prochaines années. On ne doit pas pour autant envisager de laisser enseigner « n’importe qui » me direz-vous. Mais l’orthographe pèse, à mon sens un peu trop lourdement dans la balance en comparaison avec les autres domaines. Rappelons qu’il s’agit là d’une des cinq compétences d’un seul des trois domaines des langues. Pourquoi accorder une telle importance à cet élément de structuration ? La raison d’être de la maitrise d’une langue n’est-elle pas avant tout l’expression et la compréhension qui l’accompagne ? De même, n’est-il pas terriblement anachronique d’accorder une priorité absolue à l’écrit, alors que l’oral est l’outil privilégié des échanges vivants ? D’ailleurs, dans notre vie quotidienne, de nouveaux outils se répandent qui facilitent – ou rendent possibles - les conversations avec celles et ceux qui ne maitrisent pas notre langue !

À mes yeux, l’explication est avant tout culturelle. Les Francophones attachent beaucoup d’importance à la compétence d’écrire juste, beaucoup plus que d’autres cultures linguistiques. Écrire sans fautes est une preuve d’intelligence dans ces régions. Qui n’a jamais lu un commentaire sous une phrase de grande philosophie relevant l’erreur orthographique sans s’attarder sur la signification profonde du message ? Comme si la faute l’emportait sur la pensée.

Est-ce que, par transfert, l’école doit se priver de bon.nes enseignant.es, de gens passionnés qui sauront transmettre leurs compétences dans tous les autres domaines à leurs élèves ? Par ailleurs, qu’en est-il des autres domaines ? Sont-ils aussi étroitement contrôlés ?

Évidemment, un.e enseignant.e doit maitriser l’orthographe. Mais je m’interroge sur la pertinence du test qui consiste à trouver des erreurs très pointues, exercice dans lequel je me laisserais moi aussi facilement distraire par le contenu. Quelle était, dans ce contexte, la place laissée aux nouvelles technologies ? Les étudiant.es avaient-elles/ils la possibilité de recourir aux correcteurs ou dictionnaires orthographiques ? De nos jours, alors que nous avons toutes et tous à tout moment accès à des outils de référence virtuels, ne devrait-on pas encourager une telle pratique, pour les élèves également par ailleurs ?

Espérons que les responsables de la HEP-BEJUNE sauront se remettre en cause pour éviter de priver les écoles de personnes précieuses pour la relève.

(*) Stendhal, Lettres à Pauline, automne 1804

1 Journal ArcInfo du 7 avril 2022

Publié le
ven 20/05/2022 - 00:03
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