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Dans la peau d’une instit’ confinée

Soumis par Myriam Facchinetti le 30 avril 2020
Image d’illustration (Unsplash)

Il est 7 h 30. J’ai mis mon réveil, car il est indispensable de pouvoir faire un brin de toilette et me rendre présentable. Je vais au travail ! Ou plutôt : je vais au TELE-travail… Ce qui veut dire que je reste dans ma chambre, je passe juste du lit au bureau.

J’allume l’ordinateur, et je file sous la douche. Maquillage, coiffage, avec ma belle chemise et mon pantalon de training, me voilà prête pour la vidéo du jour.

Depuis le 16 mars dernier, mon rituel est immuable : je transfère une petite vidéo à mes élèves de 6 ans sur le groupe Whatsapp que j’ai créé avec leurs parents. Je leur envoie les liens vers les parcours iClasse, vers toute la partie numérique de mon enseignement à distance. Au programme, chaque jour : une activité en français, une activité en mathématiques, une activité soit en histoire-géo-sciences, soit en éducation physique ou artistique. De quoi nourrir les plus affamés, sans gaver rapidement les moins gourmands.

Anticiper…

Je leur ai donné du matériel de survie, ce fameux lundi 16 mars : classeur de maths, cahier d’écriture, outils de référence, crayons de couleur, règle, boîte de peinture, quelques cahiers vierges…

Par principe, j’ai instantanément décidé de ne pas faire mourir la photocopieuse du collège, ni le patrimoine forestier sous la tonne de fiches que j’aurais pu donner à mes élèves. L’école, ce n’est pas que des fiches. Créativité, ingéniosité, nouveauté : la nouvelle devise de l’enseignante confinée.

L’éducation numérique n’a très vite plus eu de secret pour moi. Ses limites, par contre, ont très rapidement pointé leur nez.

Élèves allophones, élèves non-lecteurs, pas de connexion internet, pas de tablette ou d’ordinateur… La mission impossible était lancée et s’autodétruirait… on ne sait quand !

Alors je me suis démenée, travaillant nuit et jour pour mettre en place des stratégies permettant aux plus démunis de travailler.

Comme une armoire suédoise !

Quand on veut enseigner à distance en passant par le numérique, avec des élèves de 3e année, il faut faire preuve de créativité. Ça commence par la création d’un blog, pour centraliser les informations et les ranger par catégories : information aux parents, activités en français, petites recettes de cuisine, parcours iClasse… Tout y est. Mais avoir un blog, c’est monter une armoire telle une experte suédoise, cela ne suffit pas : après, il faut tout ranger… Là aussi, tout doit être paramétré, catégorisé, planifié, pour qu’en un seul clic, l’élève puisse accéder à toutes les informations dont il a besoin. On ne s’invente pas informaticienne en une nuit… Il en aura fallu plusieurs, en ce qui me concerne.

Qui dit blog, dit téléchargement de fichiers, images, vidéos et liens. Il faut donc créer en parallèle une chaine de distribution vidéo en ligne, afin que les petits films explicatifs soient accessibles par tous.

S’inscrire également sur une plateforme de distribution audio en ligne, car quand on n’est pas à côté de ses élèves, il faut pouvoir leur donner un minimum d’explications orales. Et on ne peut pas juste balancer une vidéo sur un blog : ça nécessite un support de distribution et de stockage.

Et pour terminer la recette BLOG, il faut en plus trouver un drive qui ne te ruine pas, afin de pouvoir stocker tes documents PDF et les faire figurer sur la toile.
 

     

Voilà, voilà, la soupe est prête ! L’enseignement à distance peut commencer, TA-DAAAAA !

Eh bien non, non et non… Ce n’est pas juste un coup de baguette magique, le blog. Encore faut-il pouvoir y accéder et savoir utiliser la ressource numérique.

Il a fallu équiper ceux qui n’avaient pas de moyens informatiques, il a fallu téléphoner, mettre des messages audios, faire des facetime pour les marches à suivre pour se connecter… C’était sans fin. Quand on est en télétravail, avec des élèves, peu importe qu’il soit midi ou minuit : on se doit d’être disponible.

Très peu d’enfants avaient finalement besoin de plus d’explications pour réaliser les activités. Mais il fallait juste qu’ils puissent y accéder.

J’en ai passé des nuits blanches à mettre tout ça en place, à me creuser la tête pour envisager toutes les possibilités. À me faire du souci pour que mes élèves aient assez de travail, mais pas trop. Difficile d’évaluer le temps qu’ils passent sur ces activités, sachant que le plus rapide va mettre à peine 1 h, parfois moins, et que le plus lent ou le moins impliqué ne répond même pas à mes messages…

Parfois, j’ai eu peur pour mes élèves, je les ai contactés, affolée, pensant au pire parce qu’ils ne montraient pas signe de vie.

Mais finalement : à quoi ça sert, tout ça ? J’ai mis ma santé en danger, j’ai dû consulter mon médecin parce que j’avais des étourdissements dus au stress et à la pression…

Qu’on ne vienne pas me dire que les enseignants se sont mis en vacances dès l’annonce de la fermeture des écoles. Pour ma part, je n’ai jamais autant travaillé que durant cette période. Je n’ai jamais autant appris également…

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Publié le
Jeu 30/04/2020 - 10:42
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