Aller au contenu principal

De grandes luttes à venir

Soumis par John Vuillaume le 19 décembre 2003

Le SAEN (syndicat autonome des enseignants neuchâtelois) a fêté ses dix ans à l’occasion de la journée syndicale du 12 novembre 2003 à Chézard qui a rassemblé près de 250 personnes sur les 421 membres actifs. Une partie festive a suivi l’assemblée générale et l’apéritif : délicieux repas agrémenté d’une animation thétrale très réussie dans la magnifique salle de La Rebatte.

L’ambiance n’était cependant pas à la fête. Les propos musclés de Philippe Vaucher ont ouvert l’assemblée qu’il présidait. Il a dénoncé la politique néolibérale agressive menée au pas de charge par une droite qui prône ouvertement un démantèlement social de grande envergure : la politique des caisses vides et les baisses de la fiscalité (cadeaux fiscaux aux plus riches) ne sont que la première étape d’un processus qui s’annonce particulièrement destructeur. Il en a appelé à la lutte pour la préservation d’un service public de qualité et de bonnes conditions de travail puis a souligné que les enseignants connaîtraient une forte baisse de leur revenu si aucune réaction forte ne se faisait jour.

Ensemble pour réussir !

Le président du SAEN, Jean-François Kunzi, a tenu un discours clair et combatif. Citant Victor Hugo en introduction — « Ceux qui luttent sont ceux qui vivent » — , il a tout d’abord relevé que la toile de fond récurrente des dix premières années d’existence du SAEN est la crise. L’économie est fragile et vulnérable, les clivages sociaux de plus en plus marqués, le plein-emploi, du passé. Les solutions néolibérales d’une droite dure (coupes dans la formation, la santé et le social) sont inadaptées. Dans un tel contexte, la détermination des enseignants doit être plus forte : « Il nous appartient de proposer des solutions, de convaincre les autorités, d’établir avec elles des relations nouvelles basées sur un véritable partenariat, d’imaginer, au besoin, des formes d’actions pour vaincre l’obscurantisme et l’aveuglement. Cela implique des changements importants dans notre profession, à commencer par la formation. Sommes-nous prêts à devenir acteur, à assumer davantage de responsabilités et, par conséquent, à courir plus de risques? Sommes-nous prêts à nous référer à un code de déontologie, à établir, avec nos collègues une véritable collaboration afin de faire face efficacement à la complexité grandissante des problèmes auxquels nous sommes confrontés et accessoirement, de nous préserver de la déprime? ».

M. Kunzi a ensuite salué la présence de Marie-Claire Tabin, présidente du SER (syndicat des enseignants romands), de Georges Pasquier, vice-président et rédacteur en chef de L’Educateur, de ses collègues présidents Francis Baour, Olivier Baud, Jacques Daniélou, Samuel Rohrbach et Jean-Claude Savoy : « A leur contact, nous puisons la force de croire en un avenir meilleur, de poursuivre patiemment mais résolument l’entreprise commencée, convaincus que les barrières cantonales, comme le mur de Berlin, finiront un jour par s’effondrer ». Il a aussi remercié Mme Judith Vuagniaux, présidente de la FAPEN (fédération des associations de parents d’élèves neuchâtelois) de sa présence en affirmant sa volonté de continuer de développer un dialogue constructif avec les représentants des parents d’élèves pour le bien de l’école publique neuchâteloise.

Trois résolutions fermes et engagées plébiscitées par l’assemblée

Avant de passer au vote des résolutions, Jean-François Kunzi a brossé l’historique de la situation de crise neuchâteloise.

Le 8 septembre 2003, les représentants de la fonction publique sont convoqués et la cheffe du département des finances, Sylvie Perrinjaquet dresse un tableau sinistre et noirci de la situation des finances du canton (150 millions de déficit, réduits un peu plus tard à 75 millions) : en conséquence, le versement du rattrapage salarial de 1 % prévu pour 2004 sera reporté en 2006. Le Conseil d’Etat ne respecte pas la procédure en dénonçant unilatéralement une convention signée en décembre 2000 et un accord passé en juin 2001 par lequel les syndicats, très corrects, renonçaient à de nouvelles revendications jusqu’en 2005 en acceptant le rattrapage salarial de 4 % (compensations des restrictions salariales des années 90). Jean-François Kunzi intervient rapidement en écrivant au Conseil d’Etat : il critique des décisions iniques qui touchent avant tout les enseignants, les autres fonctionnaires bénéficiant de la semaine de 40 heures et de 5 semaines de congé dès 2005, sans baisse de salaire mais sans augmentation de postes. Dans une lettre du 25 septembre, le Conseil d’Etat prend note de l’opposition du seul SAEN (celle du SSP lui parvenant plus tard) aux mesures d’austérité qu’il complète par l’annonce de la suppression de l’indexation des salaires ! Sous la pression du Grand Conseil, le Conseil d’Etat est aux abois. Ce dernier finit tout de même par reconnaître ses torts (non-respect de la procédure) et retire un projet de modification de la loi qui aurait donné le droit au Grand Conseil (majoritairement à droite lors de la législature 2001-2005), de supprimer toute indexation! Le Conseil d’Etat ne rétablit pas pour autant l’indexation pleine et entière : il propose le versement symbolique d’une pseudo-indexation à 0.1 % (500’000 francs au budget) alors que le renchérissement s’élève en réalité à 0.6 %. Jean-François Kunzi a rappelé que la vraie cible est le Grand Conseil, et non pas le Conseil d’Etat : avec des mesures d’austérité invraisemblables, la droite met l’Etat dans une situation épouvantable! Le message doit être clairement transmis au Grand Conseil : ce n’est pas à la fonction publique de supporter les fautes politiques commises par celui-ci. Assez d’une fonction publique bouc émissaire !

Trois résolutions ont été soumises au vote de l’assemblée. Opposition du report en 2006 du versement du rattrapage salarial de 1 %. Le versement de l’allocation de renchérissement reste de la compétence du Conseil d’Etat. Conformément à l’article 56, le montant en est fixé après consultation des associations du personnel. Les membres du SAEN invitent leurs collègues et l’ensemble du personnel de l’Etat à exprimer leur attachement à un service public de qualité lors d’une manifestation se déroulant le jeudi 27 novembre 2003, dès 17 heures à la gare de Neuchâtel. Les deux dernières résolutions ont été acceptées à l’unanimité. La première a été massivement acceptée : aucune opposition et seulement cinq abstentions.

Messages des invités

Marie-Claire Tabin a constaté que désormais l’enseignant était au cœur de l’actualité, puisque partout les acquis sociaux étaient en danger. Elle a signalé l’implication politique, pas partisane, du SER et la difficulté de convaincre des politiciens qui ne connaissent l’école que par le bais de leurs souvenirs d’enfance! Judith Vuagniaux a souligné que les parents ne connaissent pas le métier d’enseignants et qu’il serait positif que ces derniers en aient une bonne image. Elle a répété que l’éducation et la formation sont prioritaires pour le pays. Elle a aussi précisé que l’harmonisation des horaires scolaires et la disparition de toute sélection à l’école obligatoire étaient deux des principaux objectifs de la FAPEN. Jacques Daniélou a noté que la fonction publique devait faire face à une attaque généralisée et il a appelé de ses vœux la création d’un front commun impliquant des rapports de force nouveaux. Il a ensuite informé l’assemblée que le 27 novembre était également une journée d’action de la fonction publique dans le canton de Vaud.

Exposé très apprécié de Thierry Béguin

Une allocution du chef du DIPAC (département de l’instruction publique), Thierry Béguin, a clos la matinée. Evitant les sujets qui fâchent, le brillant orateur s’est appliqué à redéfinir des repères communs, démarche salutaire en période de crise. Il a poursuivi par une digression sur la réforme du secondaire I en présentant quelques caractéristiques de la nouvelle voie générale, qui se substituera très bientôt aux options moderne et préprofessionnelle : classes à niveaux, répétitoires pour les élèves les plus faibles, formation d’équipes pédagogiques. Tout sera entrepris pour redonner de l’espoir aux élèves en échec. Le Conseiller d’Etat a conclu son intervention en évoquant les structures mises en place dans le canton pour prévenir l’épuisement professionnel des enseignants (burn out). Très applaudi, M. Béguin a été remercié par Jean-François Kunzi qui n’a pas manqué de mentionner la qualité d’écoute et de dialogue du chef du DIPAC.

Publié le
dim 31/03/2019 - 14:00
Mots-clés associés