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Des profs neuchâtelois acceptent d’enseigner en terminale et découvrent que leur salaire est raboté

Soumis par SAEN le 18 mai 2018

Des enseignantes généralistes ont accepté de donner des leçons en classe terminale pour dépanner leur direction. Elles ont découvert qu’elles étaient moins bien payées. Et personne ne les avait prévenues.

Le Syndicat autonome des enseignants neuchâtelois demande aux profs d'école secondaire de renoncer à dépanner dans les classes terminales.
Le Syndicat autonome des enseignants neuchâtelois demande aux profs d’école secondaire de renoncer à dépanner dans les classes terminales. © David Marchon

«Mon salaire a baissé de 15 % lorsque je suis allée enseigner dans une classe terminale. Et personne ne m’avait avertie de cette diminution!»

Sophie (prénom d’emprunt), prof dans une école secondaire du canton de Neuchâtel, accuse le coup. Après trente ans d’enseignement dans des classes de niveau préprofessionnel, cette généraliste a dû faire un choix: «Avec la suppression des filières, les “préprofs” ont disparu. J’avais donc deux possibilités: enseigner dans les nouvelles classes à niveaux, en 9e ou en 10e, ou m’occuper des classes terminales.»

Sophie souhaite continuer à travailler avec des adolescents en difficulté d’apprentissage. «Peu d’enseignants veulent travailler avec les terminales. J’ai accepté de relever ce défi. La charge est lourde, l’investissement est énorme, ces adolescents entre 12 et 15 ans rencontrent des problèmes de comportement ou des blocages. Mais j’ai tout de suite aimé le contact avec ces jeunes.»

Pénalisée au niveau salarial

En enseignant en terminale, Sophie rend service à sa direction, qui peine à trouver des volontaires pour ces classes de formation spéciale. Mais elle découvre qu’elle est pénalisée au niveau salarial. 

En effet les classes terminales devraient être conduites par des enseignants titulaires d’un master en enseignement spécialisé. C’est rarement le cas: selon le Syndicat autonome des enseignants neuchâtelois (Saen), seule une moitié des titulaires de telles classes dispose du diplôme requis. Les directions ont donc pris l’habitude de faire appel à des enseignants généralistes pour encadrer ces classes, dont le nombre augmente.   

Manque de transparence

Conséquence pour les volontaires: en raison de «l’absence du titre légal requis, le traitement salarial est réduit de 15 %», stipule une directive de février 2017. Ce même texte mentionne également que chaque direction d’école doit être «extrêmement transparente» sur les conséquences salariales que des changements d’affectation peuvent avoir pour la personne concernée. 

Cette transparence n’est pas toujours appliquée: «Même ma direction n’était pas au courant que je perdrais 15 % de mon salaire!», relève Sophie. «Il y a eu tellement de changements avec la réforme de l’école secondaire que cette information venant du Département de l’éducation n’était pas redescendue.»

Béatrice (prénom d’emprunt), enseignante généraliste dans un collège secondaire des Vallées, n’avait pas non plus été informée d’une baisse de salaire en dépannant dans une classe de formation spéciale: «Ma direction m’avait demandé de donner deux périodes en terminale. J’étais moins bien payée, pour un travail plus pénible. J’ai arrêté après une année.»

«Déclinez poliment!»

Pour éviter une perte de salaire, Sophie et Béatrice auraient dû suivre une formation de trois ans afin d’obtenir le titre d’enseignantes spécialisées: «Après trente ans de métier en “préprof”, j’estime avoir le bagage suffisant pour enseigner en terminale», ajoute Sophie.  

Des profs de terminale payés au rabais? Sur les réseaux sociaux, le syndicaliste Pierre Graber, président du Saen, met en garde ses collègues des «brimades salariales» existantes: «Un enseignant avisé en vaut deux. Alors, si on vous sollicite pour intervenir dans une classe de terminale, déclinez poliment! Cela amènera peut-être les autorités à ouvrir leurs yeux et leur esprit.»

Classification à revoir

Contacté, le chef du Service de l’enseignement obligatoire, Jean-Claude Marguet, assure que son service «veille à être le plus transparent possible sur la question du salaire» en mettant à disposition des informations sur une page internet dédiée à cette thématique. «Nous sommes également à la disposition des directions et des membres du personnel enseignant pour effectuer des projections salariales, ce que nous faisons régulièrement.»

Jean-Claude Marguet ajoute que la classification des enseignants varie en fonction de leurs titres, des années de scolarité où ils enseignent et de la fonction qu’ils occupent. «Un changement de fonction peut donc avoir des conséquences sur le traitement d’un enseignant.» 

Le chef de service reconnaît que «le système de classification actuelle est complexe». Un nouveau projet de classification des fonctions est actuellement en cours. «Il doit parvenir à un dispositif simple, clair, logique, cohérent, équitable et transparent.» Le rêve, quoi.

Par Virginie Giroud

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