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Enquête PISA : Plus de questions que de réponses!

Soumis par Jean-François Kunzi le 25 février 2002

Le 31 janvier dernier, au cours d'une conférence de presse générale organisée à l'échelon romand, à Lausanne, puis complétée par une autre tenue dans chacun des cantons, la CIIP (*) a dévoilé les résultats de l'enquête PISA (**) sur les compétences de base des jeunes menée, en Suisse romande, auprès de 5000 élèves de 9ème année, au printemps 2000.Existe-t-il, en Romandie, un système scolaire qui prépare, mieux que les autres, les jeunes " pour la vie " ? Les données obtenues fournissent, certes, de précieuses indications. Mais, elles suscitent davantage d'interrogations qu'elles n'apportent de réponses en raison de la pluralité et de la complexité des facteurs qui les induisent. Dans ces conditions, établir un classement s'avère particulièrement réducteur.

Une constatation douloureuse s'impose cependant : nos systèmes scolaires contribuent à creuser les écarts sociaux et ne parviennent pas à intégrer les élèves allophones.
Nous le savons depuis le 4 décembre 2001. L'enquête PISA menée, dans 31 pays en majorité membres de l'OCDE, auprès de 250000 jeunes de 15 ans dont 13000 élèves suisses de 9ème année, a révélé que les jeunes Suisses, les Romands étant légèrement meilleurs que les Alémaniques (influence négative du dialecte ?), ont obtenu des résultats qu'on peut, en comparaison internationale, qualifier de bons en mathématiques mais de très moyens en français (compréhension de texte qui était la principale compétence testée) et en sciences.

Les résultats concernant la Suisse romande, détaillés canton par canton, ont été divulgués le 31 janvier dernier, au cours d'une conférence de presse présidée par Mme Martine Brunschwig Graf entourée, pour cette circonstance un peu solennelle, de ses six autres collègues ministres responsables de l'Education ou de l'Instruction publique et - le fait mérite d'être souligné - de Marie-Claire Tabin, présidente du SER.
Nous n'avons pas entendu de révélations fracassantes ni découvert des différences véritablement notoires qui auraient, par exemple, permis aux différents médias, de faire, objectivement, des " unes " percutantes. Aussi toute tentative de récupération s'avérerait abusive et malhonnête.

Certes, les jeunes Fribourgeois ont réalisé les performances les meilleures. Ils sont talonnés par les Valaisans. Les Neuchâtelois se situent dans l'honnête moyenne alors que les Genevois - méritent-ils, pour autant, le bonnet d'âne, vestige obsolète, que leur ont attribué certains journaux - ferment la marche.

Evitons absolument les jugements sommaires et forcément réducteurs qui attribuerait le mérite de la réussite ou de l'échec à un élément particulier. Mais ne cherchons pas non plus à nous cacher la réalité ou à nous rassurer à travers des affirmations lénifiantes.

L'enquête PISA, parce qu'elle s'est limitée à investiguer dans trois champs de compétences seulement, ne peut donner que des indications. Les résultats soulèvent d'ailleurs plus d'interrogations qu'ils n'apportent de réponses. L'analyse fouillée à laquelle nous devrons nous livrer dans les temps qui viennent s'annonce pour le moins délicate et complexe tant les différents paramètres à considérer qui peuvent, en plus, se combiner s'avèrent nombreux.
Il faudra, en tous cas, trouver des réponses ou, au moins, des explications, entre autres, à ces questions fondamentales. Pourquoi la Finlande obtient-elle le meilleur classement ? En quoi le système intégré qu'elle pratique y contribue-t-il ? Quel rôle jouent la composition de la société et, en particulier, la proportion de la population immigrée ? Quelle influence exerce le niveau socio-culturel des parents ? Dans quelle mesure nos systèmes éducatifs avantagent-ils les filles ? Quels critères permettraient de trouver sûrement les meilleures pratiques ? Quels rapports la population concernée entretient-elle avec son institution scolaire ? Pourquoi l'absentéisme, lors du passage de l'épreuve, a-t-il été si important dans les cantons de Genève et de Vaud ? …

Compte tenu de différents paramètres qui pondèrent leurs performances, les jeunes Neuchâtelois soutiennent parfaitement la comparaisons avec leurs copains de Suisse romande. Mais il n'y a pas de quoi pavoiser. Des progrès notoires restent à réaliser, dans le domaine de la lecture prise dans le sens de compétence de compréhension et, surtout, dans ceux de l'exclusion conséquence de la sélection et de l'intégration.
Ces deux éléments révélés par l'enquête PISA m'interpellent fortement. Notre système éducatif contribue à creuser les inégalités socioculturelles. Il désavantage les enfants issus de familles immigrées. Il marginalise les élèves les plus faibles scolairement.

Notre engagement en faveur d'une école publique fondée sur des valeurs républicaines comme la justice, l'égalité et la solidarité m'apparaît, aujourd'hui, pleinement justifié. Mais, la défendons-nous avec assez de conviction, de détermination et d'ardeur ?

Jean-François Kunzi

(*) CIIP = Conférence Intercantonale de l'Instruction publique (Suisse romande et Tessin)
(**) PISA = Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves [" Programme for International Student Assesment "] (OCDE)
On peut se procurer l'ouvrage " Compétences des jeunes romands, Résultats de l'enquête PISA 2000 auprès des élèves de 9ème année " à l'IRDP, tél. 032/889.86.14 (Prix 25,-- + frais d'envoi).

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