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Formation professionnelle en entreprise: le pari du gouvernement neuchâtelois

Soumis par SAEN le 6 juillet 2010

Une économie à court terme qui peut se révéler coûteuse pour l'avenir

Depuis longtemps Neuchâtel offre à toutes celles et ceux qui le souhaitent la possibilité de se former à la sortie de l'école obligatoire. Pour cela il propose notamment des formations professionnelles en école là où manquent des places d'apprentissage. Aujourd'hui, le Conseil d'Etat veut donner la priorité à l'apprentissage en entreprise.

Encourager les entreprises à créer 400 places d'apprentissage supplémentaires, encourager les élèves, leurs professeurs et les parents à choisir une formation duale, pourquoi pas. Mais le seul motif invoqué est le coût  par apprenant de la filière professionnelle, 43% plus élevé à Neuchâtel qu'en moyenne suisse. Ce projet prévoit surtout la réduction du nombre de classes et l'introduction d'un numerus clausus pour l'accès aux filières de formation générale: maturités académiques et spécialisées et surtout formation professionnelle en école, largement réorganisée, voire supprimée pour certaines filières.  Le résultat d'une telle réforme?  Une partie des élèves, ceux qui sont en plus grande difficulté, se retrouveront à 16 ans, sans plus aucune voie de formation.

Il manque surtout dans ce projet une analyse des atouts et des difficultés des formations duales. Neuchâtel, avec 58% des élèves terminant l'école obligatoire choisissant une formation professionnelle, est en dessous de la moyenne suisse. Mais vouloir faire passer le choix d'une formation professionnelle à 68% (et la part de la formation duale au sein de celle-ci de 57% à 80%), tient de l'exploit.

Il est clair que la formation en entreprise permet une meilleure adéquation avec les tâches à accomplir. L'OCDE, dans une étude comparative en cours, arrive à des conclusions positives pour la formation en emploi et en particulier pour le système suisse.  Elle juge important cependant que la formation reste la plus large possible et qu'elle donne surtout aux apprentis la capacité de poursuivre leur formation tout au long de leur existence. En effet, près de 50% des diplômés de la formation professionnelle initiale ont depuis changé de profession.

Plus fondamentalement, on peut se demander avec les experts de l'OCDE si la Suisse ne met pas trop l'accent sur la formation professionnelle aux dépens de la formation tertiaire (en hautes écoles).  Les chiffres sont parlants: au sein de l'OCDE, au secondaire deux,  l'enseignement général représente 54% des personnes en formation (CH 36%) contre 44% (CH 64%) suivant une formation professionnelle. Pour la formation duale, ces chiffres sont de 15%  pour l'OCDE mais de 58% pour la Suisse (Évaluation par l'OCDE du système de formation professionnelle suisse, p.8). C'est également l'une des réflexions des Académies suisses des sciences dans leur livre blanc Une éducation pour la Suisse du futur (voir encadré).

Les experts de l'OCDE  insistent aussi sur le manque d'évaluations scientifiques et sur la précarité d'un système dual qui dépend avant tout de la volonté des entreprises d'offrir suffisamment de places d'apprentissage. L'internationalisation des entreprises suisses, la charge que représente l'accueil d'apprentis pour nombre de PME, devraient amener à envisager des systèmes de formation alternative. Neuchâtel l'a compris depuis longtemps et c'est pourquoi il avait complété son système de formation en emploi par des formations en écoles là où l'on manquait de places d'apprentissage. C'était un investissement productif pour le canton, car les jeunes sans formation sont les chômeurs et les personnes à l'aide sociale de demain.

Aujourd'hui il fait machine arrière. Comment parviendra-t-il à tenir son engagement de ne laisser personne sur le carreau?

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