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«Il y a eu une prise de conscience»

Soumis par SAEN le 11 août 2017

École - Monika Maire-Hefti parle des conditions de travail des enseignants.

La rentrée scolaire dans le canton de Neuchâtel, lundi, sera marquée par la dernière phase de la réforme du cycle 3 (l’ex-école secondaire): au tour de la 11e année Harmos de passer aux classes à deux niveaux. Les sections maturité, moderne et préprofesionnelle sont donc mortes. Le sujet a bien sûr été abordé, hier à Marin, à l’occasion de la traditionnelle conférence de presse «aoûtienne» du Département cantonal de l’éducation et de la famille DEF).

«Il y a eu une prise de conscience»

L’essentiel de la discussion, toutefois, a porté non pas sur les effectifs (voir l’infographie ci-contre) ou autres nouveautés pédagogiques, mais sur les conditions de travail des enseignants. Il faut dire que la veille, le Syndicat des enseignants romands (SER) avait livré des chiffres impressionnants: selon un questionnaire, 40% des enseignants présentent des signes avant-coureurs de burn-out (notre édition d’hier).

Mesures concrètes

Il faut dire aussi que le DEF lui-même avait choisi d’axer la conférence de presse sur le sujet, lui qui a diffusé hier un communiqué intitulé «Des solutions concrètes pour améliorer les conditions de travail du corps enseignant». «Un effort particulier est déployé cette année pour améliorer la situation», a commenté la conseillère d’Etat Monika Maire-Hefti. «Des mesures concernant la charge de travail, les conditions salariales ou encore les moyens techniques et matériels mis à la disposition des enseignants entreront en vigueur à l’occasion de la rentrée.»

Période de décharge

La cheffe du DEF a présenté ces mesures. Il y en a une douzaine, plus ou moins conséquentes, alors que d’autres sont à venir. C’est ainsi, par exemple, qu’une quarantaine d’étudiants en maturité professionnelle d’assistants socio-éducatifs (école Pierre-Coullery, à La Chaux-de-Fonds) feront des stages en 1re et 2e année, apportant «un soutien à l’enseignant dans les tâches éducatives et dans la gestion de la classe».

Monika Maire-Hefti a également mentionné l’octroi d’une période de décharge pour les maîtres de classe de la 3e à la 6e année, histoire de tenir compte des tâches induites par la maîtrise d’une classe (travail administratif, évaluations des élèves, entretiens avec les parents, etc.). En précisant que cette mesure n’est pas venue toute seule, si l’on peut dire, mais qu’elle fait partie des propositions émises par le Conseil d’Etat, l’automne passé, pour que les enseignants en grève mettent un terme à leur mouvement.

Pénibilité en hausse

D’où la question suivante: quel regard faut-il porter sur toutes ces mesures? Ont-elles pour but de colmater un bateau – l’école obligatoire neuchâteloise – qui s’est mis à prendre l’eau? Ou traduisent-elles une prise de conscience, par les autorités cantonales – le gouvernement en tête –, qu’il faut impérativement améliorer les conditions de travail des enseignants?

«Je crois que l’on peut clairement parler de la prise de conscience, dans notre canton comme ailleurs en Suisse, que la pénibilité du métier d’enseignant a fortement augmenté depuis une dizaine d’années», a répondu Monika Maire-Hefti. «C’est le cas pour beaucoup d’autres métiers, mais peut-être que l’évolution a été encore plus rapide pour les enseignants.»

La ministre de l’Education a précisé que «le Conseil d’Etat n’a pas attendu les chiffres du SER pour se préoccuper de la situation. Et même s’il n’y avait pas eu de grève, des mesures auraient été prises pour améliorer les conditions de travail. Mais je me dois aussi de souligner que nous agissons en fonction des moyens qui sont les nôtres.»

Monika Maire-Hefti a tenu à conclure sur une note positive: «L’étude menée par le SER ne débouche pas que sur des constats négatifs. Elle montre aussi que 84% des enseignants se disent contents de leur métier!» (l’étude parle précisément d’«un métier qui représente un défi positif»). Davantage d’informations sous www.ne.ch (communiqué sur la rentrée des classes et diaporama de la conférence de presse)

Préoccupations syndicales

Nous avons demandé aux deux syndicats d’enseignants de nous faire part de leurs principales préoccupations à l’heure de la rentrée. Extraits choisis des listes fournies par Claude Grimm, secrétaire syndicale au SSP, et Pierre Graber, président du SAEN:

  • Soucis pour les élèves du cycle 3 (9e à 11e année) et pour leurs enseignants. «Le changement possible de niveau au semestre épuise de nombreux élèves.» Inquiétude face à la multiplication des élèves en décrochage scolaire.
  • Soumission croissante du pédagogique à des considérations purement financières (exemple: augmentation des promotions par dérogation).
  • «De plus en plus d’enseignants en burn-out sont de jeunes enseignants» (avec 5 à 10 ans d’expérience quand même). Les plus âgés partent à la retraite avant terme, par épuisement professionnel ou par crainte de la détérioration annoncée de leur caisse de pension.
    «Si on ne traite pas les causes, il y aura toujours davantage de cas.»
  • Effets pervers de la régionalisation, qui donne trop de latitude aux communes en matière pédagogique (soutien pour les élèves, par exemple), ce qui crée une école à plusieurs vitesses, au gré des finances communales. «Il y a sept baronnies (les cercles scolaires) dirigées par des roitelets (les conseillers communaux).» Les membres des directions sont des employés communaux, alors que les enseignants ont un statut cantonal. «Les enseignants se sentent parfois comme la balle dans une partie de ping-pong.» Sans compter que «ce double pilotage coûte des millions de francs par année».
  • Le Département de l’éducation est sommé de faire des millions d’économie, ce qui se répercute surtout au sein des classes. «Des mesures de contrôle, parfois mesquines, témoignent d’un manque de confiance et de respect vis-à-vis des enseignants.»

Par Pascal Hofer

Source

Publié le
dim 31/03/2019 - 14:19