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La face cachée des chiffres

Soumis par Brigitte Hofmann le 21 juin 2019
Au-delà des nombres...

Selon le mémento statistique de l’école neuchâteloise, l’effectif moyen des classes au cycle 1 est de 18,1 élèves. Mais, au-delà du nombre, acceptable en apparence, la réalité est toute autre. Une collègue attend ainsi avec appréhension la rentrée d’août avec une cohorte annoncée de 22 élèves en 3e année. Quatre élèves au-dessus de la moyenne… Dans la population, certains pensent que ce n’est pas insurmontable...

C’est vrai que quand le citoyen lambda et moi-même étions à l’école, dans les années 70, les effectifs des classes tournaient autour des 24. Et ça fonctionnait. Mais les méthodologies ont changé. Difficile d’organiser des ateliers dans des locaux conçus pour des classes de 24 enfants en rang d’oignon. L’évaluation a changé, demandant d’observer davantage les enfants dans l’accomplissement d’une tâche. Et que dire de l’évolution de la société avec des familles devenues clientes, dont on doit satisfaire toutes les demandes.

Mais revenons à cette fameuse classe de 22 élèves. 7 d’entre eux vont déjà à l’orthophonie, 2 en ergothérapie, 3 se rendent au soutien par le mouvement, 5 ont droit au soutien pédagogique et 4 enfants allophones suivent un soutien langagier. L’un d’entre eux présente une dysphasie sévère et sera suivi par l’unité ambulatoire de langage (UAL) mise en place par le CERAS - Centre régional d’apprentissage spécialisés. Deux autres sont signalés pour une dyspraxie sévère. En tout, dix élèves sont concernés par un suivi individuel. Dix élèves qui exigent une attention particulière, une adaptation du programme et un suivi régulier ponctué de multiples réseaux. Gageons que, à l’instar de ses prédécesseures, la collègue ayant à faire face à ce surplus de travail se trouvera rapidement en situation d’épuisement.

Constatant l’insuffisance des mesures mises en place depuis l’intégration des enfants à besoins éducatifs particulier [1], le SAEN réclame depuis longtemps déjà que ces élèves comptent double dans les effectifs des classes. Dans le contexte financier actuel du canton de Neuchâtel, ce genre de mesure n’est pas vu d'un bon œil, car ça implique évidemment une augmentation du nombre de classes, donc des salaires supplémentaires. Une fois de plus, c’est évidemment un mauvais calcul. Non seulement le nombre des enseignant·e·s en situation de burn-out explose en engendrant des dépenses considérables, mais les enfants eux aussi en font les frais. Nul besoin de rappeler ici que les problèmes qui n’ont pu être traités convenablement dans les petits degrés se reporteront sur les années suivantes. Ils mettront en difficulté d’autres collègues privant les élèves, cahotés dans un carrousel de remplaçant·e·s plus ou moins adéquat·e·s, de vivre la scolarité sereine à laquelle ils ont droit.

Pourtant, il est probable qu’une telle mesure se solderait par des coûts neutres au niveau du budget cantonal tout en permettant une formidable « économie humaine » du côté du corps enseignant et des élèves. Peut-on espérer un sursaut de lucidité de nos politiciens face à la réalité du terrain ?

Publié le
ven 21/06/2019 - 02:36