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La trouble fascination de l’échec

Soumis par Brigitte Hofmann le 23 février 2018

La trouble fascination de l’échec1

Une grande entreprise neuchâteloise avec des centaines d’employés et des milliers de clients fidèles a entrepris de revoir complètement sa chaine de production. Sous pression, car il faut entretenir son image et impressionner la concurrence, les ingénieurs préparent donc méticuleusement la révolution. Comme il est important d’être les premiers sur le marché, on se lance sans tarder. Les petits défauts seront corrigés en cours de route.

A leur retour, les ouvriers découvrent les nouvelles machines installées durant leurs vacances. Bien sûr, on leur avait vaguement parlé de ce changement en profondeur qui révolutionnerait leur métier, mais l’inquiétude les tenaille face à ce bouleversement. D’autant plus que les modes d’emploi des différentes machines sont encore en cours d’impression.

Durant quelques jours, ils essayent de comprendre le fonctionnement de la nouvelle chaine de production en attendant une formation. On les convoque enfin par groupes d’une centaine à une séance d’information d’une heure et demie durant laquelle on leur rappelle l’historique de l’entreprise, on leur explique les raisons du changement puis expose rapidement la philosophie de cette nouvelle façon de travailler avant de fournir quelques brèves explications techniques.

De retour dans leur secteur, toujours pleins d’interrogation et d’inquiétude, les ouvriers sont prêts à retrousser les manches. Cependant, ils ont du mal à comprendre comment régler leurs machines et les entretenir. Déstabilisés, ils se posent de plus en plus de questions, beaucoup regrettent l’ancienne chaine de production qui certes, n’était pas parfaite, mais à laquelle ils étaient habitués.

Après quelques mois, la direction convoque le personnel à une deuxième séance d’information, toujours en plénière, donc peu efficace ; elle en est consciente. Elle engage également un budget, restreint certes, pour mettre sur pied des modules d’initiation plus concrets. Les chefs de secteur sont chargés de les organiser. Mais, si certains ont à cœur de former leur équipe, d’autres se contentent de mettre sur pied des formations facultatives après les heures d’atelier ou, peu convaincus du changement, ne proposent tout simplement aucun accompagnement.

Entre-temps, plusieurs dysfonctionnements ont été détectés dans la nouvelle chaine de production, mais, par manque d’argent, les ajustements ne se font que très lentement. De plus en plus de produits doivent être réusinés et les employés épuisés perdent toute motivation et sombrent dans le fatalisme.

La chaine de production flambant neuve se grippe rapidement et les solutions de secours n’apportent pas l’effet nécessaire à la survie de l’entreprise.

Scénario fantaisiste dans lequel aucun manager sérieux ne tomberait ?

Allez donc demander aux enseignants neuchâtelois ! Ils désigneront la chaine de production « rénovation de filières », « évaluation » ou encore « PER et MER ». Mais ils se seront reconnus à coup sûr…

Brigitte Tisserand

1 Appel à la mise sur pied de formations dignes de ce nom en accompagnement des réformes de l’école

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