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Le logiciel Pronote ne fait pas l'unanimité, principalement au Val-de-Ruz

Soumis par SAEN le 8 novembre 2017
Les utilisateurs de Pronote peuvent se connecter au logiciel via un smartphone, une tablette ou un ordinateur. (LUCAS VUITEL - 2014)

Le logiciel de communication Pronote fait débat au cercle scolaire de Val-de-Ruz. Pourquoi la direction n’a pas attendu la fin de la phase test au centre scolaire du Val-de-Travers? Syndicat des profs, parents et préposé à la protection des données réagissent.

Le débat fait rage autour du logiciel Pronote. Particulièrement au cercle scolaire de Val-de-Ruz (CSVR) qui l’utilise depuis la rentrée d’août. Pourquoi la direction n’a pas attendu la fin de la phase test au Val-de-Travers, centre scolaire retenu par le canton pour tester pour la gestion des absences? Nous vous présentons quelques réactions.

Profs mécontents?

Les enseignants ne sont pas les seuls à monter au créneau. Deux interpellations ont été déposées lors de la séance du Conseil général de Val-de-Ruz à fin septembre. Toujours le même refrain: pourquoi le CSVR s’est-il hâté d’utiliser Pronote?

Secrétaire syndicale au Syndicat suisse des services publics (SSP), Claude Grimm précise que les enseignants ne sont pas opposés au logiciel a priori. Mais ils ont l’impression que la direction du CSVR «a foncé tête baissée sans une réflexion de fond».

Ils se retrouvent alors dans une situation «floue» et ils ont l’impression de «faire sans cesse du travail à double». Par exemple les devoirs sont inscrits à la fois dans Pronote et dans l’agenda. Cette dernière façon représente à leurs yeux «une démarche pédagogique essentielle».

«Obligés» d’utiliser cet outil?

Beaucoup se sont sentis «obligés» d’utiliser cet outil, ce qui a provoqué «la panique et même des pleurs», note Claude Grimm. Selon une maman, des parents se sentent aussi «mal à l’aise» de demander les informations en version papier. «Personnellement, je maîtrise ce logiciel, mais tous les parents ne peuvent pas ou ne veulent pas.»

En outre, la secrétaire syndicale déplore que des permanences aient été organisées par le CSVR pour se former – «en soit une bonne idée». Si ce n’est que profs et parents étaient dans le même espace. «Pas idéal pour la légitimité des enseignants.»

Directeur au CSVR, Fabrice Sourget relève que le "SSP représente une quarantaine d’enseignants sur les 230 que compte le CSVR. Les questions soulevées ici ne sont donc pas représentatives de l’ensemble du corps enseignant mais viennent bien d’une minorité dont la difficulté à s’adapter aux outils actuels est bien réelle".

Le son de cloche diffère au Vallon. Le directeur général du centre scolaire du VDT, Romuald Babey, n’a constaté que «peu de retours négatifs. Ce qui est essentiel pour l’implantation d’une telle plateforme, c’est la démarche des petits pas, accompagnée par de l’information et de la formation».

Régionalisation contre autonomie?

D’après Claude Grimm, le problème réside dans la cohabitation de la régionalisation de l’école et de l’autonomie des centres scolaires. «Dans le cas de Pronote, pourquoi on retient un collège pilote, si un autre centre scolaire peut l’utiliser? C’est contradictoire.»

Quid de la protection des données?

Aussi étrange qu’il paraisse, le préposé à la protection des données et à la transparence Jura-Neuchâtel, Christian Flueckiger, «n’a été sollicité ni par le CSVR ni par le centre scolaire du VDT avant le lancement du logiciel Pronote». Il a finalement été appelé il y a un ou deux mois pour vérifier que des informations intimes sur des élèves ne fuitaient pas.

«Aujourd’hui, c’est en cours de traitement, en collaboration avec les autorités scolaires cantonales. L’objectif est de définir qui fait quoi et comment, et de voir l’utilisation concrète de Pronote». Pour l’heure, le préposé attend des nouvelles du Département cantonal de l’éducation. Ses observations seront rendues dans quelques semaines.

D’une manière générale, Christian Flueckiger remarque que lorsqu’un fichier est élaboré avec des données sensibles, liées  à la santé, la religion ou la politique, elles doivent être déclarées au préalable au préposé à la protection des données.

Sur quels serveurs?

Christian Flueckiger signale aussi que «toutes les données scolaires sont stockées sur les serveurs du canton, comme celles de la police neuchâteloises. Pour l’instant, rien ne laisse présager qu’il existe une menace ou que les données transitent chez le fournisseur étranger». Du moins, «cela fait partie des surveillances que j’effectue».

«L’objectif est de voir ce qui est nécessaire, décider combien de temps ces informations seront gardées. Car même si elles sont sur des serveurs de l’Etat, elles ne doivent pas y rester ad vitam aeternam.»

Mot de passe et identifiant?

Comment empêcher qu’un écolier n’utilise l’identifiant et le mot de passe de ses parents? Notamment quand ceux-ci ne maîtrisent pas les outils informatiques et que l’élève peut justifier soi-même ses absences?

«Le plus grand point faible, c’est l’être humain. On peut mettre cinquante mots de passe et identifiants, mais si une personne les confie à quelqu’un d’autre, toutes les mesures de sécurité n’y changeront rien», conclut Christian Flueckiger.

Option "locale" au centre scolaire du Locle

Le centre scolaire du Locle surfe lui aussi sur les nouvelles technologies. Depuis trois ans, il utilise un logiciel de communication (sans nom spécifique). Il s’est adressé à VNV SA, une entreprise locale de développement informatique située à La Chaux-de-Fonds. Enseignants, parents et élèves disposent ainsi d’une plateforme extranet qui répertorie absences, évaluations, devoirs, informations diverses ou horaires. Mêmes fonctionnalités que Pronote si ce n’est que ce dernier est créé par une société dont le siège est à Marseille.

Les personnes bien informées relèveront toutefois que l’ex-directrice-adjointe du cercle scolaire est la mère des patrons de l’entreprise. Fabien Zennaro précise que sa maman est à la retraite depuis une année et qu’«elle n’est jamais intervenue dans ce dossier, sachant que cette situation aurait pu mettre ses fils en porte-à-faux».

«50'000 francs d’économies»

Conseiller communal à la Mère Commune, Jean-Paul Wettstein, initiateur de la démarche, indique: «Nous avons commandé cet outil à VNV qui nous a proposé un prix défiant toute concurrence.» Le centre scolaire a pu réaliser «50000 francs d’économies comparé à une autre entreprise de la région». Le responsable de l’éducation souligne l’excellent service après-vente assuré par les frères Zennaro. «En cas de souci, on donne un coup de fil et c’est réglé dans la journée.»

«Nous étions prêts à mettre notre logiciel à disposition des autres centres scolaires mais le canton a opté pour Pronote» - dont le module «gestion des absences», est testé au Val-de-Travers. Cela dit, Jean-Paul Wettstein est conscient que les collèges loclois devront peut-être changer de logiciel si le canton généralise Pronote.

Chef du Service de l’enseignement obligatoire, Jean-Claude Marguet répond qu’«au printemps 2016, seuls des logiciels offrant une gestion des absences ont été évalués, ce qui n’était pas le cas du logiciel en question à cette époque».

Vu l‘accueil mitigé réservé à Pronote au Val-de-Ruz, qu’en est-il au Locle? «Tout changement suscite des réactions. Mais dans l’ensemble, je crois que les échos ont été favorables», observe Jean-Paul Wettstein.

«Garder le business»

De son côté, le patron de VNV ne cache pas que la société aurait aimé développer son logiciel de communication dans d’autres collèges. «Nous avons la capacité de le faire. En revanche, je ne m’avance pas en termes de prix, car je ne connais pas les coûts de Pronote.»

Fabien Zennaro déclare néanmoins comprendre, sans pour autant partager le choix de l’Etat. «Le canton utilise déjà le logiciel EDT développé par la même entreprise française qui a créé Pronote. C’était donc une décision plutôt logique d’étendre les fonctionnalités en passant par le même fournisseur. Choisir notre solution représentait peut-être une option plus risquée aux yeux des décideurs, mais aurait permis de garder le business dans notre canton.»

Fabien Zennaro ne veut pas pour autant tirer à boulets rouges sur les autorités cantonales. «Bien sûr, on peut se demander s’il ne faudrait pas privilégier l’économie interne? Cela dit, nous avons approché le canton à ce sujet et il nous a confirmé que seule la gestion des absences était imposée via Pronote et que les cercles scolaires qui le désirent pourront faire appel à notre société pour les fonctions de communication.»

PAR ANTONELLA FRACASSO

Source


Lors de sa journée syndicale du 1er novembre 2017, le SAEN a traité indirectement du sujet dans la résolution «Du bon usage administratif des outils informatiques» adoptée à l'unanimité.

Constatant que

  • Au fil des ans, au-delà de leur apport pédagogique, l’utilisation d’outils informatiques dans la gestion de l’école s’est accrue spectaculairement ;

  • Les enseignants sont ainsi appelés à utiliser de multiples plates-formes et outils informatiques officiels (RPN ; évaluation aux cycles 1 et 2; PER; MER; Maths; CLOEE, y compris gestion informatique des absences des élèves ; ProNote, etc).

L’assemblée générale du SAEN réunie le 1er novembre à Colombier demande au Département de l’Éducation et de la Famille :

  • d’assurer aux enseignants un accès simplifié à l’ensemble des plates-formes numériques qu’ils sont appelés à utiliser ;

  • de ne mettre en place que des outils informatiques apportant une claire plus-value ;

  • de faire en sorte que leur utilisation ne contraigne pas les enseignants à accomplir une tâche à double, voire à triple ;

  • de compenser toute nouvelle prestation attendue des enseignants par des mesures d’allégement équivalentes.

Le SAEN ne conteste pas l'intérêt des outils en soi, mais leur mise en place précipitée, voire désordonnée avant même de connaître les résultats de la phase de test en cours (semble-t-il plutôt positive) au Val-de-Travers.
Contrairement au Val-de-Ruz, le Vallon ne mise pas tout sur ProNote, mais utilise aussi une plateforme locale performante...

Publié le
dim 25/11/2018 - 11:11