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Le prof, clé de voûte des meilleurs systèmes

Soumis par SAEN le 26 octobre 2013

C'est l'un des plus fameux ambassadeurs du système scolaire finlandais. Depuis dix ans, Pasi Sahlberg, expert en éducation, voyage dans le monde entier pour livrer les clés du modèle finlandais. Un système dont la performance est internationalement saluée : cela fait dix ans que la Finlande trône en tête du classement Pisa (Program for International Student Assessment), qui compare chaque année les performances des systèmes éducatifs de près de soixante pays.

Le professeur réinventé

Le credo de M. Sahlberg : partout, une meilleure école est possible. A condition de miser sur celui qui est au coeur du système : le prof. « Les modèles éducatifs performants, comme ceux de la Finlande, de Singapour ou de la province d'Alberta, au Canada, mettent tous l'accent sur le recrutement et la formation des enseignants », fait valoir l'expert. En Finlande, les candidats à l'enseignement doivent posséder un master pour suivre une formation, qui dure cinq ans minimum. La formation est ultrasélective : seul un postulant à l'enseignement sur dix en atteint le terme.

FORMATION DRASTIQUE

Singapour aussi caracole dans le peloton de tête des classements internationaux. Parti de rien, ce pays a investi, après son indépendance, en 1965, dans l'excellence de son système éducatif et dans celle de ses enseignants. Dès le secondaire, l'éducation nationale repère les meilleurs élèves afin d'en faire peut-être, plus tard, des professeurs. Après avoir suivi une formation drastique, les enseignants doivent faire preuve d'une implication très forte : leur journée type commence à 7 heures et se termine après 17 heures.

« A Singapour comme en Finlande, l'accent est mis sur la formation continue », ajoute M. Sahlberg. Dans la cité-Etat, les enseignants suivent chaque année cent heures de formation professionnelle. Cette exigence a une contrepartie : comme en Finlande, la profession jouit d'un statut prestigieux et les enseignants touchent des salaires confortables.

M. Sahlberg compare le rôle du professeur à celui d'un joueur dans une équipe de foot. « Un autre point commun aux systèmes éducatifs les plus performants, c'est le “school leadership” », souligne l'expert. Au-delà de l'action individuelle de chaque enseignant, l'accent est mis sur l'efficacité de l'école dans son ensemble.

Au lieu d'être de simples administrateurs, les chefs d'établissement jouent le rôle de chef d'équipe afin de motiver les professeurs autour d'un projet pédagogique commun. En Finlande ou à Singapour, les professeurs sont incités à travailler en équipe et à partager leur expérience afin d'améliorer sans cesse leurs pratiques éducatives. D'autres pays adoptent ce principe : au Japon ou au Danemark, des équipes de plusieurs enseignants sont amenées à coopérer très étroitement.

ÉCHANGES D'ENSEIGNANTS

Loin de se reposer sur leurs acquis, les pays qui connaissent les meilleures performances scolaires cherchent sans cesse à améliorer l'excellence de leurs enseignants. C'est ainsi qu'un partenariat a été formalisé fin 2010 entre le ministère finlandais de l'éducation et des associations de professeurs d'Alberta. Objectif : s'inspirer du modèle de l'autre en favorisant les échanges d'enseignants. Même volonté d'innovation à Singapour : en 2009, l'Institut national de l'éducation a redéfini les grandes lignes de la formation des enseignants dans un rapport ambitieux, « L'éducation de l'enseignant du XXIe siècle ».

En partie similaires, ces modèles présentent aussi de grandes différences. Le système scolaire est centralisé à Singapour tandis qu'en Finlande les enseignants bénéficient d'une totale autonomie quant à leur façon d'enseigner. Les élèves finlandais subissent très peu le stress des examens et n'ont presque pas de devoirs à faire à la maison, tandis que, dans le Sud-Est asiatique, la pression familiale est forte et les cours après l'école, une tradition très ancrée.

Surtout, les pays aux systèmes scolaires performants bénéficient tous d'une situation sociale homogène et d'une bonne santé économique. Dans ces conditions, difficile de savoir dans quelle mesure la qualité du système éducatif influe réellement sur les performances scolaires des étudiants.

EGALITÉ DANS LA QUALITÉ

« Les conditions sociales et économiques jouent un rôle majeur, reconnaît M. Sahlberg. C'est vrai qu'il n'est pas possible de compter uniquement sur les professeurs. Mais tous les systèmes éducatifs peuvent s'améliorer. » Reste une condition sine qua non : « Tous les élèves doivent pouvoir accéder à la même qualité d'enseignement », souligne M. Sahlberg.

Un principe établi à Singapour, où le ministère de l'éducation a choisi comme devise « Toutes les écoles sont de bonnes écoles » ; au demeurant, celles-ci sont publiques à une très large majorité. Même situation en Finlande où les établissements bénéficient tous de la même allocation de ressources. Mais pour les nombreux pays touchés par la crise économique et qui doivent affronter une pénurie croissante d'enseignants, la route vers l'excellence risque d'être longue.

Catherine Quignon, Le Monde

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