Aller au contenu principal

L’école neuchâteloise à l’heure des réformes

Soumis par John Vuillaume le 21 décembre 2012

La Journée syndicale du 14 novembre 2012 fut roborative : Pierre Graber plébiscité à la tête du SAEN (prise de fonction présidentielle, août 2013), interventions et présentations brillantes et stimulantes, décisions de l’assemblée générale assurant la pérennité de notre syndicat. Le contexte financier et politique peu enthousiasmant du canton de Neuchâtel n’aura pas plombé notre manifestation. C’est rassérénés et remotivés que les collègues sont repartis de la Mère commune. Le texte ci-dessous reproduit l’intervention matinale du président sortant.

L’école neuchâteloise vit de notre travail, de notre engagement, de nos compétences, de notre vitalité et de nos personnalités.

Alors pourquoi une si faible reconnaissance de beaucoup de nos élus politiques ? Pourquoi, par exemple, le Conseil d’Etat a exprimé il n’y a pas si longtemps sa volonté insensée de baisser nos salaires, même s’il semble avoir changé son fusil d’épaule depuis peu ?

À force de mettre l’enfant au centre, aurait-on fini par oublier en haut lieu l’importance déterminante des adultes formés et responsables que nous sommes dans l’éducation de nos chères têtes blondes ?

La grisaille financière qui caractérise notre canton qui n’est pas pauvre, mais dont l’Etat n’est pas riche, nous condamne-t-elle à jouer de plus en plus systématiquement les dindons de la farce ?

Le contexte politique dans lequel s’opèrent l’introduction d’HarmoS et les autres changements touchant la formation ne nous est pas favorable.

Pour un canton suisse, Neuchâtel est très endetté. Il ne faut tout de même pas peindre le diable sur la muraille, l’Etat de Neuchâtel n’est pas non plus dans la situation de la Grèce ou de l’Espagne !

Le redressement des finances publiques est un objectif partagé par les principales forces politiques et gouvernementales du canton, libéraux-radicaux et socialistes. Le frein à l’endettement accepté en votation populaire a débouché sur un gel des dépenses publiques et l’introduction de réformes visant une modernisation du canton et la réalisation d’économies. Le secteur de la formation n’a pas échappé à la logique de l’enveloppe budgétaire : si on investit dans un domaine, il faut économiser dans un autre. L’introduction d’HarmoS dans le canton a été l’occasion d’un renforcement de notre école obligatoire avec un nombre accru de leçons dispensées tout au long des 11 années de scolarité : des coupes drastiques dans le secondaire II permettent de les financer.

Si les collègues du secondaire II ont été les plus touchés par les mesures d’économies, d’autres catégories d’enseignants n’ont pas été épargnées durant cette législature, en premier lieu les maîtres d’orientation qui perdent l’indice 28 de l’école secondaire et retrouve le 29, celui de l’école primaire.

Rappelons ici que les choses auraient pu être pires sans notre extraordinaire mobilisation de 2009 à La Chaux-de-Fonds qui a conduit le département à enterrer son projet d’indice 29 pour toute la scolarité obligatoire.

Créer un demi-cycle 7-8 pour ménager une meilleure transition entre école primaire et école secondaire nous paraît constituer une démarche sensée. La solution idéale eût été d’offrir aux maîtres du degré 7 le même statut que les maîtres d’OR, en termes de salaires et d’indice-horaire. Coût estimé : + 6millions. Du coup, la solution retenue par le pouvoir est un même statut pour 7 et 8, à l’indice 29, avec toutefois une augmentation des salaires des enseignants de 7ème qui devrait à nos yeux préfigurer la revalorisation salariale des deux premiers cycles HarmoS.

Si le projet de rénovation du cycle 3 passe définitivement la rampe, l’OR telle qu’on la connaît aujourd’hui disparaîtra. La 8ème ne sera plus l’année la plus exigeante et la plus sélective de la scolarité obligatoire.

Cette transformation de la 8ème ne justifie cependant nullement la hausse de l’indice-horaire qui trouve son explication dans la politique financière des collectivités publiques de notre canton.

La suppression d’heures dédoublées est par ailleurs le principal point noir du nouvel horaire harmonisé.

Le SAEN a d’entrée de jeu dénoncé une évolution privilégiant la quantité à la qualité, et la tournée du Chef dans les différents cercles scolaires lui a fait comprendre que la position de notre syndicat était bien celle du corps enseignant concerné.

M. Philippe Gnaegi a alors exprimé son désir de rééquilibrer la balance entre la fonction de garde et la mission pédagogique de l’école, au profit de la seconde, en réintroduisant une heure dédoublée en 3ème HarmoS pour favoriser l’apprentissage de la lecture.

Nous saluerons le cas échéant la concrétisation de ce souhait dans l’ensemble du canton.

Les moyens financiers limités des collectivités publiques neuchâteloises ne doivent pas nous empêcher de viser l’harmonisation salariale dans les deux premiers cycles, le développement du soutien pour les enfants en difficulté scolaire et une clarification du statut des enseignants du cycle 3 dans la perspective de la mise en œuvre du projet de rénovation.

Quant à l’intégration, les sommes que le canton et les communes projettent de dépenser dans le nouveau concept cantonal sont trop peu importantes pour imposer quoi que ce soit au corps enseignant.

En matière d’intégration des enfants à besoins particuliers, le volontariat continuera à prévaloir.

Je mentionnerai encore trois autres points.

Premièrement, le nouveau statut cantonal des enseignants de l’école obligatoire est quant à lui un sujet de satisfaction.

Deuxièmement, la sérénité semble être revenue au sein du collège des Terreaux dirigé par M. Christian Berger ici présent, et notre action déterminée, qui a paru exagérée pour certains, a finalement porté ses fruits.

Troisièmement, le plan de recapitalisation de notre caisse de pension, dans lequel notre administrateur et futur président Pierre Graber s’est beaucoup investi, s’il n’est pas dénaturé par le Grand Conseil, n’équivaudra pas du tout à la catastrophe que d’aucuns annonçaient, notamment lors de la campagne sur le RER-Transrun.

De toute façon, nous, enseignants, exerçons une profession où nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’être pessimistes : c’est l’avenir de la jeunesse de notre canton que nous avons entre nos mains !

À terme, les changements en cours dans le système de formation neuchâtelois apparaissent positifs pour nos jeunes : renforcement du Français et des Mathématiques sans sacrifier l’histoire, la géographie, les sciences, les arts visuels, la musique, les activités créatrices manuels et l’économie familiale. Sélection plus tardive des élèves, basée sur les performances scolaires et plus sur une appartenance à une section, avec à la clé une orientation plus juste et plus judicieuse, devant permettre à nos jeunes de vivre de façon plus sereine le passage de l’école obligatoire vers les apprentissages ou les formations professionnelle et académique à plein temps.

Cependant, nous avons l’impression que la réussite des réformes mises en œuvre dans l’école neuchâteloise repose avant tout sur la conscience professionnelle et l’esprit de sacrifice des enseignants.

Nos autorités scolaires devraient à notre avis veiller à ne pas trop tirer sur ces cordes-là. Nous les pousserons à considérer nos conditions de travail comme une véritable priorité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

À nous, enseignants syndiqués réunis en ce jour au Locle, de le leur rappeler ! Merci aux collègues du Locle de leur formidable accueil et excellente Journée syndicale à toutes et à tous !

John Vuillaume

Mots-clés associés