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«Les crayons et les gommes volaient et le professeur devenait fou»

Soumis par SAEN le 28 octobre 2009

Les taux d'échecs au CFC dans certains corps de métiers inquiètent les responsables de la formation professionnelle. Tentatives d'explications.

«Nous étions la pire classe du Centre professionnel des métiers du bâtiment (CPMB). Nous n'écoutions pas et foutions la merde. Les crayons, les gommes volaient et le prof devenait fou... Il s'est fait trop marcher dessus!», témoigne un apprenti électricien de montage qui a raté son CFC l'été dernier. Dans sa nouvelle classe, le jeune homme se sent beaucoup mieux: «On est plus concentré, l'ambiance est meilleure et il y a moins de fouteurs de merde.»

Le jeune homme qui refait son année se dit «remotivé». «J'ai reçu une bonne baffe, ça m'a bien remis sur les pieds!»

Il a aussi changé d'entreprise et est mieux encadré: «Avant je n'étais pas trop suivi par mon employeur. Il était trop cool. C'était: «démerde-toi!» Je me suis laissé aller...»

Chez les monteurs électriciens, le taux d'échecs 2009 était de 34% (10 échecs sur 29). Il grimpe à 64% chez les électriciens de montage (14 sur 22)! Mais sur 22 apprentis, seuls neuf sont Neuchâtelois: quatre ont échoué et cinq ont obtenu leur CFC. On constate quelque 40% d'échecs en moyenne sur les dix dernières années. Sur 66 candidats, 26 ont échoué à leur première tentative. «Cette année était un peu catastrophique chez les électriciens de montage», reconnaît Christophe Pétremand, directeur du CPMB, «mais il y a de bonnes et de mauvaises volées dans tous les métiers!»

Selon lui, la majorité des électriciens de montage commencent la formation de monteur électricien en quatre ans puis passent à celle en trois ans. «Il y a une mauvaise dynamique, une dynamique d'échec. C'est difficile à gérer pour les enseignants.» L'Association cantonale neuchâteloise des installateurs-électriciens (Acnie) est aussi préoccupée. Elle a supprimé l'examen pratique en fin de première année pour des raisons économiques. L'Acnie hésite d'y revenir.

«Il y a peut-être une mauvaise orientation au départ. Nous n'avons pas eu les bons candidats. Ce n'est pas au niveau des experts que ça pêche. Le taux de réussite baisse chaque année alors que les examens sont même plus faciles aujourd'hui», estime Christophe Untersee, président de l'Acnie. «L'électricité, c'est vite compliqué, c'est technique. C'est un métier! Les gens pensent trop que quand on ne sait pas quoi faire, on va dans le second œuvre.»

Un second œuvre épargné par la crise et qui a besoin de personnel qualifié. Pour l'électricien de Peseux, l'éducation est aussi en cause: «Le jeune s'il est en crise pendant son apprentissage, avant on lui mettait un coup de pied au cul! Maintenant il lui arrive de baisser les bras. Quand il y a des problèmes familiaux, il manque de soutien des parents.»

Au CPMB, le taux d'échecs moyen est de 25%. «Ça suscite des questions. On aimerait arriver au moins à 80% de réussite», lâche Christophe Pétremand. Pour l'ensemble des apprentis neuchâtelois, le taux d'échecs se situe entre un minima de 9,5% (1986) et un record de 15,8% (2007) avec une tendance à la hausse depuis vingt ans. Il est de 14,1% en 2009. /BWE

BASILE WEBER

«Des professions victimes d'un déficit d'image»

«En électricité, nous avons des problèmes depuis plusieurs années avec des taux d'échecs élevés», reconnaît Jacques-André Maire, directeur du Service de la formation professionnelle et des lycées, qui veut développer la formation duale dans le canton (en école et entreprise).

«Le niveau scolaire des jeunes qui viennent dans ces professions (réd: gros et second œuvre) est en baisse. Ils choisissent ces formations par défaut car il y a de la place. Elles sont victimes d'un déficit d'image. On se dit: il suffit de tirer des fils! Il y a un gros travail à effectuer pour valoriser ces métiers du bâtiment auprès des jeunes.»

Les adolescents qui n'ont pas un niveau suffisant peuvent s'orienter vers une formation élémentaire (niveau adapté aux capacités de l'élève) ou une attestation fédérale de formation professionnelle sur 2 ans. Celle-ci est validée comme une année si le jeune se tourne vers un CFC.

Jacques-André Maire constate «un climat pas très stimulant depuis quelques années. Ça pose un problème. Il n'y a pas de dynamique de réussite». Il s'inquiète aussi de l'absence de relève pour remplacer les cadres dans le second œuvre.

«Dans certaines branches avec de très gros taux d'échecs au CFC, nous avons réintroduit les examens en première année. Par exemple, en cuisine. C'est le genre d'instrument que nous recommandons aux associations professionnelles», explique Jacques-André Maire. Le responsable de la formation professionnelle a rencontré dernièrement une délégation des métiers du bâtiment pour parler de ces problèmes. /bwe

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