Aller au contenu principal

Libéré·es par le confinement

Soumis par Brigitte Hofmann le 24 avril 2020
Moyens d'enseignement romands

Fin mars. Les collèges ont fermé leurs portes depuis bientôt deux semaines et l’école se fait à distance. Un chamboulement déstabilisant pour le corps enseignant, plus ou moins formé aux MITIC1 devenus aujourd’hui un incontournable outil de travail. Mais, paradoxalement, de ce relatif chaos émerge un plaisir retrouvé.

Être contraint·e d’enseigner à distance n’est pas chose facile ! Chacun·e de nous regrette aujourd’hui de ne pas avoir suivi le cours facultatif sur la création de blogs ou de ne pas avoir utilisé iClasse2 après la formation pour y être à l’aise dans ce contexte imprévisible. Mais si beaucoup de collègues se sentent dépassées, j’observe également une certaine satisfaction à travailler autrement.

En effet, les MER3, bien que disponibles et utilisables en ligne ne nous sont que d’un maigre secours. Les exercices de répétition, souvent austères, sont vite épuisés. Ce dont nos élèves ont besoin, c’est d’activités attrayantes, ludiques et créatives pour emporter aussi l’adhésion des élèves moins motivé·es ou dont les parents ont d’autres priorités que de se battre avec leurs enfants pour remplir des fiches de calcul mental. Il faut donc être créatif. Et c’est justement une des raisons m’ont fait choisir ce métier.

À l’école normale de l’époque, nous apprenions à créer tout un tas de matériel : jeux, lectures suivies, activités interdisciplinaires. Par exemple, il n’y avait pas de moyen d’enseignement pour l’apprentissage de la lecture. On nous enseignait les théories de l’acquisition de la fusion syllabique, de la conservation des nombres ou les différentes phases d’une bonne leçon de gym et on construisait nos leçons à partir de ça. Avec la multiplication des MER, cette pratique s’est peu à peu perdue. Notre job est devenu celui d’un·e exécutant·e appliquant un mode d’emploi dénommé fil rouge ou livre du maître et beaucoup d’entre nous ont perdu une part de leur motivation et de sens de leur travail en route.

Depuis l’arrêt des écoles, la créativité est soudainement débridée. À la recherche d’activités plus séduisantes, les collègues délaissent les MER et se mettent à inventer des formules plus attrayantes. Avec des temps d’enseignement fortement réduits, l’interdisciplinarité retrouve son sens. On allie mathématiques et arts visuels, musique et allemand, français et éducation physique. On invente ou adapte des jeux, réactualise le journal de bord et propose des reportages en lien avec les thématiques du plan d’études.

Si cette nouvelle façon de travailler exige beaucoup d’énergie, elle ravive aussi un enthousiasme à préparer et conduire son enseignement. Avec comme seul cadre le PER, chacun·e peut désormais imaginer un travail qui lui parle. Les élèves ressentent ce plaisir et y ajoutent leur part. Libérés de la contrainte imposée par les textes lacunaires et les fiches d’entrainement d’algorithmes, les parents nous en remercient !

J’espère que cet élan de créativité ne sera pas brisé par le retour à la normale et que nos autorités prendront conscience que les MER doivent être une inspiration et une aide pour les collègues débutant·es ou un appui dans certaines branches ou domaines dans lesquels on ne peut momentanément s’investir. Bref, que les enseignant·es méritent d’être considéré·es comme des professionnel·les responsables et compétent·es plutôt que des modes d’emploi vivants.

1 Médias, Images, Technologies de l’Information et de la Communication
2 Plateforme permettant aux enseignant·es de choisir des ressources numériques et de les distribuer aux élèves
3 Moyens d’enseignement romands

Publié le
ven 24/04/2020 - 00:04
Mots-clés associés