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Quand la politique découvre l’école

Soumis par Stefan Lauper le 15 octobre 2008

 (R. Dubs in Folio N°5/08)

Ces derniers temps, les partis s'affrontent par programmes et déclarations interposés pour prôner l'amélioration de l'école. Il n'y a pas grand-chose à redire à cela puisque la politique représente la volonté du citoyen et définit les buts de l'école. Mais n'oublions pas, et c'est là le risque, que les initiatives des partis en matière de politique scolaire ont souvent tendance à se "dogmatiser".

Ce ne sont pas des idées pédagogiques différenciées qui apportent des voix aux partis, mais des slogans comme ceux qui connaissent une certaine popularité ence moment. Il y a quarante ans déjà, des chercheurs constataient que ce sont les postulats diffusés sous forme de slogans qui ont le plus de chances d'avoir du succès.

Depuis longtemps, la recherche montre que la qualité de l'école n'est pas le fait de réformes scolaires extérieures, mais qu'elle est fonction de la qualité des enseignants et de leur enseignement. Le but des mesures de la politique de formation décidée par les partis devrait donc être centré sur l'encouragement de toutes les personnes qui enseignent: renforcement de leur position dans la société et refus du démantèlement social du métier d'enseignant. Certes, les partis déclarent de plus en plus souvent qu'il faut redonner de l'attrait à la profession d'enseignant. Qu'il faut leur verser des salaires conformes aux prestations, leur offrir de réelles perspectives de carrière ou augmenter les possibilités de formation continue. Mais ces exigences ne sont rien de plus que des slogans car elles occultent les nombreux conflits d'objectifs qui se cachent derrière ces propositions "bien intentionnées". On ne peut revaloriser la profession d'enseignant que s'il y a un réel soutien de l'Etat et que des exigences précises sont formulées pour les enseignants. Ces deux objectifs sont bien plus compliqués à réaliser que ne l'imaginent les stratèges des partis. En bref, notons ici quelques éléments qui s'avèrent essentiels.

Les autorités doivent augmenter la marge de manoeuvre des enseignants (autonomie partielle des écoles) et ne pas seulement se borner à en parler constamment tout en augmentant parallèlement l'influence d'une administration centralisée. Elles doivent faire preuve de plus de confiance à l'égard du corps enseignant (et mettre fin, par exemple, à l'absurde contrôle des horaires de travail). Elles doivent financer une formation continue systématique et reconnaître que les nouveautés, à l'école, ne peuvent avoir les effets souhaités que si les enseignants ont pu s'y préparer dans le cadre de cours de perfectionnement spécifiques et de longue durée. Et elles doivent leur mettre à disposition des plages de liberté pour se régénérer et se perfectionner (on sait, par exemple, qu'un congé d'une demi-année pour études, après sept à dix ans d'enseignement est un coup de pouce significatif pour une amélioration de la qualité).

A l'inverse, les enseignants doivent reconnaître qu'eux aussi doivent fournir une contribution pour lutter contre le démantèlement social de leur profession. En premier lieu, il faut qu'ils soient disposés de renoncer à "naviguer à vue", c'est-à-dire qu'ils doivent accepter que les effets de leurs activités soient contrôlés (orientation sur l'output), car ce sont les quelques - rares - enseignants peu disposés à s'engager qui nuisent à la réputation de la profession. Ils ne devraient pas non plus, par pur principe, s'opposer à un salaire à la prestation (par exemple sur la base d'un bon portfolio), car de bonnes prestations doivent être mieux rémunérées. Beaucoup d'enseignants devraient aussi, au-delà des obligations liées à leur enseignement, s'engager plus en faveur de la communauté scolaire. Derrière le slogan "Attractivité du métier d'enseignant" se dissimulent de nombreux conflits d'objectifs entre les offres et les demandes. Et dans ce cas, les partis feraient mieux de renoncer à utiliser des slogans.

Rolf Dubs est professeur émérite de pédagogie en économie. Au cours des trente dernières années, il a influencé demanière déterminante le développement de la formationprofessionnelle en Suisse. rolf.dubs@unisg.ch

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