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Télévision et école ne font pas bon ménage

Soumis par John Vuillaume le 11 mars 2011

Que pouvons-nous faire, nous, enseignant-e-s, pour limiter les effets néfastes de la télévision sur nos chères têtes blondes ?

Pas de télé dans la chambre !

Chaque début d'année scolaire, je précise à mes nouveaux élèves de 15 à 16 ans quelques-unes de mes lignes de conduite dont une qui me paraît vraiment importante : « Jamais je ne critiquerai vos parents, leurs principes ou l'éducation qu'ils vous donnent, sauf s'ils ont autorisé la présence d'une télé dans votre chambre ! » Pas de télé dans la chambre. Jamais de télé dans la chambre. Dehors la télé dans la chambre !

Un élève d'une de mes classes est venu un jour vers moi me demander si je trouvais normal que sa mère lui ait permis d'installer une télé dans sa chambre : j'ai su plus tard qu'il avait tant tanné sa mère fraîchement divorcée qu'elle avait fini pas céder à une sorte de chantage affectif exercé par son fils. Ni une, ni deux, le cas s'est réglé lors de la soirée des parents et mon élève qui savait qu'il avait poussé le bouchon trop loin fut fort satisfait qu'on lui retirât sa télé. Ses résultats scolaires s'en trouvèrent bien améliorés, il put poursuivre de belles études et connut de beaux succès professionnels !

La télé contre le sommeil et les devoirs

Certains de mes élèves se plaignent parfois de n'avoir que trop peu de temps libre en dehors des transports scolaires et des cours qui occupent la plus grande part de leur journée d'ado.

Alors quand ils affirment qu'ils n'ont jamais le temps d'accomplir correctement leurs tâches à domicile, je me déchaîne : « Quand vous aurez éliminé les 4 à 5 heures par jour que vous passez devant votre petit écran, à enchaîner plusieurs épisodes d'une série américaine cleenex ou d'une téléréalité crétinisante, je commencerai à discuter avec vous de la place et de la nature des devoirs à domicile. » Il est très rare que je distribue des heures d'arrêts pour des raisons d'ordre disciplinaire. Par contre, cette pratique est courante pour moi quand il s'agit de sanctionner des devoirs non faits ou une attitude coupablement passive en classe due à l'abus de TV, conséquence d'un manque de sommeil à ne pas confondre avec les cas de somnolence en classe qui peuvent relever de causes médicales chez les ados : Les hormones perturbent leur sommeil, la télé le réduit et c'est malheureusement aussi le cas pour pas mal de nos mômes !

La télé lobotomise[1] : venons en aide à nos pauvres petits cerveaux !

Commençons par le seul effet positif recensé sur les jeunes malheureux gavés à l'infâme bouillie télévisuelle : s'ils sont issus de milieux particulièrement défavorisés, la surconsommation de télé leur permet de développer la « tchatche », soit une certaine propension à s'exprimer relativement facilement oralement. Un point c'est tout. Il n'y a pas d'autre avantage à espérer de la fréquentation trop régulière du petit écran.

Le visionnement de belles émissions à caractère éducatif divertira certainement, retiendra l'attention peut-être, mais ne rendra jamais intelligent. On apprend pas en regardant la télévision, on se laisse bercer, une moitié du cerveau éteinte, les émotions primales à fleur de peau, en état hypnotique, tout le contraire d'un comportement de forte mobilisation intellectuelle, comme lors d'une conférence qui nous donne l'impression d'être intelligent en l'écoutant, de la lecture d'un livre qui nourrit profondément notre pensée ou d'un moment d'écriture qui mobilise nos capacités mentales comme aucune autre activité intellectuelle.

On ne devrait autoriser la télé qu'après une bonne journée de travail : qu'y a-t-il de plus efficace pour se changer les idées, pour vraiment déconnecter, au sens propre du terme ? Rien, c'est scientifiquement prouvé. Mais commencer sa journée devant sa télé ou passer une grande partie de celle-ci à la regarder, c'est un crime contre notre intelligence, une maltraitance du cerveau que nous devons dénoncer auprès des parents et de leurs enfants et adolescents dont on nous confie la formationPas de formation sans connexion ! Sus à la télé, prenons soin de nos cerveaux, parbleu !

Internet et télé : le mirage de l'interactivité

« Oyez bonnes gens, ne diabolisez pas les médias électroniques, il y a aujourd'hui Internet, la panacée interactive, la perfusion permanente du cerveau avec ces buzzs de petits chats malhabiles sur youtube, fessebook , site mondial de rencontres en ligne, tchat à toute heure et google à gogo pour obtenir n'importe quoi sur n'importe quoi ! »

Internet est également devenu un indispensable outil de travail, et pas seulement pour les jeunes mais pour nous enseignant-e-s en activité qui ne pouvons plus nous passer de l'effrayant infini du monde virtuel.

Mais attention, les enfants et adolescents usent de leurs ordinateurs en plus des 4 à 5 heures de télé journalières, plusieurs études le prouvent. Internet ne remplace donc pas la tété chez les jeunes, c'est un complément, une couche supplémentaire d'images électroniques. Ajoutons les jeux vidéo, qui eux non plus n'ont pas la capacité d'éradiquer le fléau de la consommation effrénée de télé chez les jeunes mais font gonfler la goinfrerie visuelle des jeunes générations et le tableau est presque complet !

J'attends de pied ferme le fanatique de télé qui viendra tenter de me contredire. Je prends de vrais risques : j'ai oublié de vous dire qu'en plus de favoriser l'obésité ou la connerie, trop de télé rend violent, c'est vraiment le pompon ! Moi qui voulais écrire quelque chose de cinglant, me voilà à la merci d'une paire de gifles délivrée par un homo televisionus vilainement décérébré !

John Vuillaume

[1] Michel Desmurget, TV lobotomie. La vérité scientifique sur les effets de la télévision, 2011, Max Milo, 318p.

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