Quelle vague d’espoir nous avait envahis il y a quelques années lors de la création de postes de direction pour l’école primaire accompagnant la régionalisation ! Enfin, nous aussi allions profiter du soutien de professionnels et être débarrassés du joug des commissions scolaires. Certes, avec elles, nous avions connu le meilleur comme le pire, basculant de l’un à l’autre à chaque fin d’année au gré du passage en secondaire de la progéniture de ses membres. Enfin, les priorités ne seraient plus celles de parents soucieux du bien de leur propre enfant. Enfin, nous aurions un répondant disponible maîtrisant le sujet et capable de mettre rapidement en œuvre une solution.
Aujourd’hui, le bilan qui en est tiré dans les salles des maîtres est amer, la déception est grande. Si par le passé, on jalousait des commissions scolaires, aujourd’hui, il en va de même pour les directions, leurs membres ou les secrétariats. Heureusement, l’immense majorité des membres de direction sont d’anciens enseignants, critère qui nous semble impératif. Mais rien ne permet de prédire si tel ou telle bon enseignant possédera les qualités requises pour un poste de direction. La formation se fait en cours d’emploi, souvent après quelques années de pratique puisque la demande de formation est supérieure à l’offre et qu’on peut difficilement gérer les absences simultanées de plusieurs directeurs en formation. Hélas, certaines personnes qui étaient pourtant d’excellents enseignants, ne sont visiblement pas faites pour gérer une école. Nommées sans période probatoire, « leurs » enseignants doivent alors pallier le mauvais fonctionnement et s’épuisent à signaler des erreurs, recevoir des correctifs et attendre des réponses à des questions urgentes.
Les secrétariats apportent également leur lot de déception. Censés nous décharger d’une partie de la charge administrative, c’est le contraire que nous observons ! Les consignes, formulaires et fiches de renseignement pullulent à la vitesse d’un couple de souris enfermées dans une cave à fromage. Les enseignants se sentnent de plus en plus fliqués. Du formulaire d’annonce d’absence de la classe - juste pour aller en forêt - à la liste des séances de parents, chaque pas est désormais contrôlé. Le manque de confiance va jusqu’à la relecture des circulaires de courses d’école. Dans ce contexte, pas étonnant dès lors que les secrétariats croulent sous le travail et ne soient plus disponibles pour répondre aux demandes des enseignants. Parfois, l’enseignant a l’impression qu’il est au service du secrétariat alors que le contraire nous semblait être l’idée de base. Nos questions restent trop longtemps sans réponse, car les secrétaires et les directions sont occupés à créer, récolter ou remplir mille formulaires qu’ils n’ont même plus le temps de vérifier. On engage à tours de bras une armée de scribes qui, au lieu de nous soulager, nous noie dans les consignes, nous submerge de séances d’information et e-mails qui ne nous concernent pas et dégoûtent plus d’un de notre métier.
Nous sommes des enseignants, notre métier est d’enseigner et les directions devraient faire en sorte que nous puissions nous consacrer à notre mission première au lieu de gaspiller notre énergie à nous soumettre à une société de plus en plus orwellienne.
Brigitte Tisserand