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«C’est une bombe à retardement»

Soumis par SAEN le 21 mars 2016

Inquiétudes après la suppression des classes de transition entre l’école primaire et secondaire. Le nombre d’élèves en «terminale» augmente.


Les classes de transition permettaient d’éviter le décrochage scolaire chez de nombreux jeunes. Quel avenir pour les écoliers en difficulté? KEYSTONE

«Les classes de transition permettaient aux élèves âgés de onze ou douze ans, en grande difficulté scolaire, d’accéder à l’école secondaire, de suivre une filière préprofessionnelle puis d’accomplir un apprentissage. L’expérience a montré que ces classes ont permis à beaucoup d’enfants d’éviter le décrochage scolaire. Ils avançaient à leur rythme, bénéficiaient d’une sorte de remise à niveau intermédiaire et se sentaient en confiance, pour la première fois.»

La députée popiste Martha Zurita, ancienne psychologue et conseillère en orientation, s’inquiète sérieusement du sort des écoliers présentant des difficultés d’apprentissage. «Aujourd’hui, que vont devenir ces élèves? Nous sommes face à une bombe à retardement au niveau social.»

Martha Zurita a décidé de tirer la sonnette d’alarme. Par le biais d’un postulat, elle demande au Conseil d’Etat d’effectuer «une évaluation qualitative des effets de la suppression des classes de transition sur le décrochage scolaire des jeunes». Le Grand Conseil en débattra ce soir.

Dans son postulat, la députée rappelle que la suppression des classes de 8e année devait être compensée par quatre heures de soutien scolaire hebdomadaire pour les élèves en difficulté, selon une directive du Département cantonal de l’éducation.

Mais ces mesures de soutien, à la charge des cercles scolaires et des communes, ne sont pas toujours appliquées par les écoles. «De plus, elles sont souvent dispensées par du personnel faiblement qualifié pour cette tâche», ajoute Martha Zurita.

En février, Roby Tschopp, conseiller général au Val-de-Ruz, s’inquiétait publiquement de la situation dans le cercle scolaire de son district. Il s’étonnait que les heures de soutien auxquels les élèves de 8e année ont droit n’aient pas été octroyées.

L’école vaudruzienne a effectivement utilisé l’enveloppe destinée à ce soutien pour financer l’ouverture d’une classe de formation spéciale destinée à des élèves de plusieurs degrés.

Conséquence: «Aujourd’hui des dizaines d’élèves de 8e année, en difficulté voire en échec, sont privés de l’appui auquel ils ont droit», dénonce Claude Grimm, secrétaire au Syndicat des services publics, région Neuchâtel.

Avec la régionalisation de l’école obligatoire, elle craint une école à deux vitesses: «Qu’adviendra-t-il si le Département de l’éducation ne parvient plus à imposer ses directives, s’il n’a plus les moyens de les faire respecter par des directions aujourd’hui uniquement soumises à leur commune ou à leur cercle scolaire, et donc davantage sensibles aux finances communales?»

Si plusieurs enseignants s’inquiètent à ce point de la situation, c’est aussi parce que le nombre d’élèves neuchâtelois qui finissent en classes de terminale, aussi appelées classes de formation spéciale, augmente.

«Ces élèves ne bénéficient pas de cours d’allemand, ni d’anglais, et peuvent difficilement enchaîner avec un apprentissage», rappelle Martha Zurita. «Où va-t-on avec ces jeunes? Le Conseil d’Etat doit prendre des mesures. Car l’AI ne pourra pas recevoir tout le monde...»

Le contexte

En 2014, le canton de Neuchâtel supprimait les classes d’orientation entre l’école primaire et secondaire, dans le cadre du processus d’harmonisation nationale. Il fermait également les classes de transition, qui permettaient aux élèves en difficulté d’éviter le décrochage. Aujourd’hui, des enseignants et politiciens s’inquiètent. Car les effectifs des classes de terminale grimpent.

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NOS QUESTIONS À… JEAN-CLAUDE MARGUET, chef du Service de l’Enseignement Obligatoire

«L’Etat a maintenu l’intégralité des ressources financières»

Le canton était-il obligé de supprimer ces classes de transition?

Ces classes n’ont pas été supprimées pour des raisons économiques, c’était une décision réfléchie. En Suisse, le canton de Neuchâtel était un des seuls à avoir mis en place une année d’orientation ou de transition, entre l’école primaire et la secondaire.

Avec l’harmonisation scolaire au niveau national, cette année a dû être supprimée, pour être rattachée au cursus primaire.

Berne et le Jura ont réalisé cette même réforme au début des années 1990, et ça s’est très bien passé. Par ailleurs, l’accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée stipule que les solutions intégratives sont préférées aux solutions séparatives.

Neuchâtel n’a réalisé aucune économie en supprimant ces classes?

Aucune. Le Conseil d’Etat a maintenu l’intégralité des ressources financières destinées auparavant aux classes de transition, en proposant quatre périodes de soutien hebdomadaire aux élèves de 8e rencontrant des difficultés scolaires.

Reconnaissez-vous que ces périodes de soutien n’ont pas toujours été données, notamment au Val-de-Ruz?

Nous sommes dans une période de réforme, et les choses doivent se mettre en place. Mais il est vrai que des enseignants de 8e année du Val-de-Ruz qui s’attendaient à pouvoir proposer quatre périodes de soutien à leurs élèves sont montés au créneau en apprenant que ces périodes seraient attribuées autrement.

Nous avons pris langue avec ce centre, en lui rappelant que l’enveloppe de soutien était destinée aux élèves de 8e année. Tout devrait rentrer dans l’ordre à la prochaine année scolaire.

Selon des enseignants, les heures de soutien ne sont pas toujours données par du personnel qualifié. Exact?

Les cercles scolaires doivent engager des enseignants titrés. Mais comme partout, il faut parfois recourir à des remplaçants. Dans ce cas, les directions veillent à metre en place un accompagnement solide.

Depuis la suppression des classes de transition, les effectifs des classes de terminale ont augmenté...

Oui, ces effectifs ont un peu augmenté. Cette évolution fait l’objet d’un suivi, notre service travaille sur la réalisation d’un enseignement spécialisé et étudie les appuis possibles.

Virginie Giroud

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