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Soumis par Pierre Graber le 14 juin 2017

Au printemps de l’année dernière, nous évoquions le rôle des directions d’école1 dans les nouvelles structures régionalisées et les effets supposés de la formation dispensée dans le cadre de la FORDIF. Nous signalions ainsi que les candidats y étudient «l’organisation du travail, le management et le développement de leur institution. [Le CAS] permet d’acquérir des savoirs et des outils centrés sur la gestion opérationnelle (…). Il offre [aussi] une première initiation à la profession de directeur d’institution de formation, entre pilotage et leadership.»

La recrudescence de cas de collègues faisant appel au syndicat incite à penser que nos craintes se vérifient une fois de plus! Manifestement, charité bien ordonnée commençant par soi-même, le premier réflexe de certains des nouveaux managers de l’école est de se mettre à l’abri. Ainsi, à l’instar des latéraux d’antan en football dégageant en touche, ces courageux professionnels s’empressent d’aiguiller l’enseignant en difficulté face à un élève qui met la classe sens dessus dessous — au propre comme au figuré — vers des spécialistes tels le CAPPES2. On peut même atteindre une sorte de perfection dans cette approche quand une direction s’apprêtant à prendre une décision opérationnelle qu’elle sait exposer des enseignants à de grosses difficultés suggère à ceux-ci de prendre appui auprès du CAPPES avant même la mise en œuvre.

Ce même principe — alors érigé en système — permet aux nouveaux managers de nos écoles de créer en toute légalité des classes aux effectifs excessifs, dont la pénibilité est prétendument compensée par l’octroi de rares périodes à effectif réduit. On ne devrait pas avoir à le dire, mais ces zélés serviteurs des autorités n’ont apparemment pas compris que la gestion d’effectifs lourds (comprenant la plupart du temps plusieurs élèves à besoins particuliers) épuise prématurément les enseignants, sans commune mesure avec les quelques respirations «généreusement» accordées. Par ailleurs, les collègues ainsi mis sous pression doivent bien sûr gérer les relations avec l’ensemble des familles de leurs élèves. Et, comme un serpent qui se mord la queue, s’il y a davantage d’élèves, il y a aussi potentiellement plus de conflits!

Illustration mathématique sous forme de problème

Si un dialogue peut s’engager entre deux personnes, combien peut-il y en avoir entre 3 personnes? Et combien entre 18, 21, 24 ou 26 élèves? Réponses3

Au DEF, on n’est pas à un paradoxe près. Alors qu’un groupe de travail se penche actuellement sur l’épuisement du corps enseignant, on peut s’étonner que des mesures soient prochainement mises en œuvre, qui semblent amplifier le phénomène au lieu de l’alléger. Dernier exemple en date, des collègues de 3e ou 4e s’apprêtent à devoir travailler une période de plus que leur dotation hebdomadaire4.

Pour revenir au management des institutions scolaires enseigné à la FORDIF, on se demande si les candidats sont informés des exigences légales imposées à un employeur. Les autorités scolaires, nos employeurs sont tenus de respecter la Loi sur le travail (LTr), notamment son article 6 traitant de la protection de la santé:

Obligations des employeurs et des travailleurs
1 Pour protéger la santé des travailleurs, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures dont l’expérience a démontré la nécessité, que l’état de la technique permet d’appliquer et qui sont adaptées aux conditions d’exploitation de l’entreprise. Il doit en outre prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’intégrité personnelle des travailleurs.

2 L’employeur doit notamment aménager ses installations et régler la marche du travail de manière à préserver autant que possible les travailleurs des dangers menaçant leur santé et du surmenage.

[...]

En août prochain, la santé des enseignants sera la thématique principale du SER à l’occasion de la conférence de presse de la rentrée, puis de la Journée suisse de l’éducation mise sur pied conjointement avec LCH. On en reparlera donc!

1 « L’étoffe dont on faisait les chefs », article paru dans l’Educateur Nº 4/2016

2 Centre d’accompagnement et de prévention pour les professionnelles et les professionnels des établissements scolaires

3 Pour simplifier, on considère les seuls dialogues (entre deux élèves).
3 personnes → 3 dialogues possibles / 18 p. → 153 d. p. / 21 p. → 210 d. p. / 24 p. → 276 d. p. / 26 p. → 325 d. p.

4 Les plus perspicaces l’auront deviné, régionalisation oblige, le DEF n’a pas vraiment son mot à dire (voir le billet dans l’Educateur Nº 6/2017)

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